Depuis peu, un article sur la circularité figure dans la Constitution du canton de Zurich, et la ville a adopté une stratégie appropriée avec « Circular Zürich ». Comment en est-on arrivé là ? Qu’est-ce que cela implique dans la réalité ? Et que peuvent faire la ville et le canton pour réussir leur transition vers l’économie circulaire ?
Les médias répètent à l’envi que «la Suisse est championne du monde du recyclage». Il est vrai qu’ici, par rapport aux autres pays, le taux de récupération dépasse la moyenne. Plus de la moitié des déchets urbains sont collectés séparément, puis recyclés. Un taux qui peine pourtant à masquer la quantité gigantesque de déchets: selon l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), «presque aucun autre pays au monde ne génère autant de déchets urbains par habitant». Cela explique probablement pourquoi, malgré ses bonnes notes en matière de recyclage, la Suisse est plutôt mal classée dans le «Circularity Gap Report» publié récemment par l’association Circular Economy Switzerland (CES) et par la société d’audit et de conseil Deloitte.
Les matières premières, si peu réutilisées
Le rapport chiffre la consommation totale de matières premières en Suisse et calcule la proportion de matières premières primaires. Il prend aussi en compte les ressources contenues dans les marchandises fabriquées à l’étranger et importées. Selon le rapport, la consommation de matières premières dans notre pays atteint 19 tonnes par personne et par an. La moyenne mondiale est de 11,9 tonnes, et le niveau supportable à long terme par la planète se situe entre 5 et 8 tonnes. La part de matières premières primaires dans la consommation totale en Suisse s’élève à 93,1 pour cent. Autrement dit, les matières premières circulaires ou réutilisées ne représentent que 6,9 pour cent, alors que la moyenne mondiale est de 7,2. Selon le rapport, si chaque personne sur Terre vivait comme l’Helvète moyenne, nous aurions besoin des ressources de près de 2,75 planètes.
Voilà précisément ce que veut changer l’économie circulaire. Elle vise à réorganiser l’économie et la société afin de ramener la consommation de matières premières primaires dans les limites planétaires. Les produits et matériaux doivent rester en circulation aussi longtemps que possible. Sachant que 70 pour cent des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) proviennent du traitement et de l’utilisation de matières premières primaires, on comprend que l’économie circulaire serait en outre un moyen efficace d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat.
Au-delà du recyclage
Les descriptions détaillées du fonctionnement de l’économie circulaire abondent, et toutes s’accordent au moins sur ces trois actions: réduire, ralentir, boucler les flux de ressources et d’énergie. «Réduire» implique de produire les marchandises avec un minimum de matière et d’énergie, les deux devant en outre être respectueuses de l’environnement. «Ralentir» veut dire qu’il faut pouvoir utiliser les objets le plus longtemps possible, donc être en mesure de les réparer et reconditionner. Leur conception doit faciliter cela. «Boucler» signifie que les biens sont facilement revalorisables et qu’en fin de vie, rien ne doit empêcher leur recyclage ou leur biodégradation.
L’économie circulaire est manifestement bien éloignée de l’économie linéaire aujourd’hui dominante. Cette dernière repose sur l’extraction de matières premières et sur la fabrication de produits destinés à être vendus, utilisés, puis jetés. Il est important de relever que la circularité va bien au-delà du simple recyclage. «C’est l’un des malentendus les plus courants», confirme Kathrin Fuchs, co-directrice de la plate-forme CES. Une économie circulaire exige non pas une révolution, mais une transformation – parfois en profondeur – de l’économie et de la société. Pas besoin de réinventer le système économique de A à Z, mais on ne peut pas non plus se contenter d’utiliser du béton recyclé dans les nouvelles constructions et d’apporter sagement ses canettes en aluminium à la déchetterie chaque semaine.