Le cahier des charges urbanistique exige par ailleurs l’organisation d’un concours d’architecture. Un petit groupe d’une quinzaine de coopérateurs planche sur ses lignes directrices. Yves Froidevaux, membre fondateur et du conseil d’administration de CDEF, représente actuellement le maître d’ouvrage et assure bénévolement le suivi du chantier. Il se souvient: «Nous tenions à préserver un bon équilibre entre espaces publics et privés. Nous souhaitions que le bâtiment soit construit de manière à privilégier les contacts, mais aussi à ce que chaque appartement dispose de son propre espace extérieur privatif. Par ailleurs, pour favoriser la mixité, nous voulions des logements de tailles très variées.» C’est en effet le nombre de pièces qui détermine combien de personnes peuvent les occuper: une pour un deux-pièces, et au minimum quatre pour bénéficier de cinq chambres. La construction et la réhabilitation sont estimées à 6,5 millions de francs par la société de conseil immobilier Wüest & Partner.
Fin 2014, neuf spécialistes de l’habitat écologique entrent en lice pour décrocher le mandat. C’est un bureau biennois, 123 Architekten, qui le remporte. La structure qu’il a imaginée, en bloc et non en barre, a séduit le jury, composé de professionnels de l’architecture ainsi que de représentants de la ville, de l’association de quartier et de la coopérative.
Mais le chantier ne démarrera qu’en septembre 2017. Car entre temps, les membres de CDEF ont dû se lancer dans une longue bataille pour mettre sur pied un financement viable. Très vite, il s’avère que les spécialistes de l’immobilier se sont trompés dans leur calcul: ils l’avaient effectué en se basant sur le coût moyen d’un appartement standard à Neuchâtel. Or, la construction du bâtiment de la CDEF, soumise aux contraintes du cahier des charges urbanistiques et qui doit répondre à la norme Minergie P coûtera une fois et demie plus cher. Consternation.
Il en faut cependant davantage pour abattre nos valeureux coopérateurs. Prêts à faire des concessions pour réaliser leur rêve, ils revoient les contours de leur projet. Augmentent le nombre d’appartements, qui passe à 21 au lieu de 17. Renoncent à la chambre d’amis, à la terrasse prévue sur le toit de l’immeuble principal. Diminuent la taille de la salle commune. Malgré ces efforts, le budget final s’élève tout de même à 9,7 millions de francs.
Qu’à cela ne tienne, l’équipe se met en quête de financements. Le Canton accorde à la coopérative un prêt de 700 000 francs sur 25 ans, la faîtière Coopératives d’habitation Suisse, 1 million sur la même période, et la Ville débloque 196 000 francs sur 30 ans. A cela s’ajoutent les parts sociales et des prêts privés, mais reste à trouver une banque qui prête les 6,4 millions manquants: «Nous souhaitions travailler avec une banque dont la philosophie soit en accord avec nos préoccupations écologiques, éthiques et sociales», souligne Yves Froidevaux. Les grands établissements traditionnels sont exclus d’office; les candidates éligibles se comptent sur les doigts d’une seule main. Et rapidement, la BAS sort du lot: «Plusieurs coopérateurs y avaient leur compte et la connaissaient déjà. Mais surtout, contrairement aux autres banques, elle est très proche des valeurs qui nous tiennent à cœur, car elle s’efforce de penser sur le long terme et n’encourage pas la spéculation. Nous parlons le même langage! Nous nous sommes tout de suite sentis chez nous à la BAS», résume-t-il.
Les discussions démarrent en 2015, mais très vite, la Banque douche les enthousiasmes: il manque des fonds propres. «Nous avions fixé le coût des parts sociales à 2000 francs. C’est très bas, mais l’idée était vraiment d’encourager ainsi la mixité», précise Yves Froidevaux.
Une fois encore, les coopérateurs cherchent à revoir leur projet immobilier à la baisse. Mais impossible désormais de faire une concession supplémentaire sans renoncer à des points essentiels. «Nous avons même envisagé de construire deux étages de plus. Mais il aurait fallu recommencer toute la procédure – mise à l’enquête, concours… –, ce qui aurait repoussé le début du chantier de cinq à dix ans!» Un délai qui aurait bien pu être fatal au projet, d’autant que depuis 2011, cinq des familles initiantes ont jeté l’éponge, heureusement remplacées par de nouveaux arrivants. Reste une solution: augmenter le prix des parts sociales. «Nous nous sommes finalement résolus à le fixer à 7000 francs. C’est beaucoup plus que ce que nous avions prévu au départ, mais cela demeure raisonnable par rapport aux projets participatifs du même type», souligne Yves Froidevaux. La taille des appartements est fort heureusement suffisamment variée pour assurer une certaine mixité, sinon sociale, du moins générationnelle: les futurs habitants – 30 adultes et 10 enfants à ce jour – sont âgés de 2 à 72 ans. Sans compter ceux qui viendront s’y ajouter, car un trois-pièces et un studio-atelier cherchent encore preneurs à l’heure où nous mettons sous presse. Il est également conseillé de se mettre en liste d’attente, les situations personnelles pouvant évoluer rapidement. Avis aux intéressé-e-s!