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01.12.2022 par Esther Banz

« Après le papier de toilette, c’est la ruée sur le bois »

Vu le prix élevé de l’énergie, les gens ont peur de grelotter cet hiver et se remettent à utiliser leur bon vieux poêle à bois. De quoi donner beaucoup de travail, mais aussi de soucis au maître-ramoneur Walter Tanner. Discussion sur la chaleur en période de pénurie, sur le tournant énergétique et le fait de porter bonheur.

Article du thème Le bonheur

moneta : Beaucoup de gens redoutent d’avoir froid cet hiver. Comment en ressentez-vous les effets ?

Walter Tanner : Tout le monde veut maintenant remettre en service sa cheminée ou son poêle, peu importe son âge ou son état. Nous contrôlons sans arrêt ce type d’installations. Et beaucoup de personnes aimeraient raccorder d’anciennes cheminées. Résultat : un surcroît de travail pour nous, mais aussi pas mal de soucis.

 

Qu’est-ce qui vous inquiète ?

En tant que ramoneurs, nous intervenons uniquement sur les poêles et cheminées des gens qui nous appellent. Nous estimons qu’ils sont nombreux à ne pas faire contrôler leur cheminée.

 

Que peut-il arriver dans le pire des cas ?

Un conduit très encrassé peut prendre feu. En cas de fuite ou de bouchon, l’habitation se remplit de monoxyde de carbone, un gaz inodore et potentiellement mortel. Nous nous inquiétons surtout pour les personnes qui ont peu de moyens : elles vivent souvent dans de vieilles maisons, qu’il faut d’autant plus chauffer par manque d’isolation.

 

En ce qui concerne le chauffage au gaz, il risque de coûter cher…

Oui, et aussi en raison du prix élevé de l’électricité, car une chaudière à gaz a besoin de courant pour fonctionner. Celles et ceux qui ont du bois peuvent s’en réjouir : tout le monde en veut, quitte à le voler en forêt. Après le papier de toilette, c’est la ruée sur le bois.

 

Les gens savent-ils comment se chauffer au bois ?

Pas tous. Le bois doit être sec. Il est dangereux de brûler du bois vert ou humide, de même que des déchets, du carton ou de vieux meubles. Cela peut provoquer des dégâts considérables.

 

Dans le poêle ou les poumons ?

Les deux. On respire les gaz émis, nocifs pour soi et pour l’environnement. Seul du bois qui a poussé naturellement en forêt peut être utilisé dans une cheminée.

 

En Allemagne, où le prix de l’énergie a fortement augmenté, on redoute même que des gens fassent du feu chez eux sans cheminée ni conduit d’évacuation.

Cela arrive déjà lorsque les prix sont moins hauts, alors imaginez quand la situation se précarise ! Si se chauffer coûte plus cher, on doit économiser ailleurs, par exemple dans l’alimentation ou l’habillement. Il y en a aussi qui chauffent seulement leur cuisine, d’autres qui aimeraient bien nous proposer une tranche de gâteau avec le café, mais ne peuvent plus se le permettre. Les personnes âgées sont particulièrement touchées.

 

Avez-vous encore le temps de discuter avec les gens ?

Pour le moment, toutes les ramoneuses et tous les ramoneurs sont sous pression, mais quand je le peux, je prévois assez de temps. J’ai choisi ce métier parce qu’il est incroyablement varié, comme le sont les gens. À six ans déjà, je voulais être ramoneur.

 

Comment ressentez-vous les grands changements actuels dans votre métier ?

Nous y sommes préparés. Depuis des années pour ce qui concerne les énergies fossiles, et c’est normal. Nous sommes sur la bonne voie en matière de qualité de l’air et de conseils énergétiques. En fait, les changements nous sont très profitables, car ils font appel à notre savoir-faire. Une telle évolution est passionnante pour nous.

 

Êtes-vous une exception ou la branche change-t-elle dans son ensemble ?

Tout le monde ne prend pas le tournant, mais globalement, la branche se transforme. Notre association faîtière propose des formations depuis longtemps.

 

Alors pas besoin de s’inquiéter pour l’avenir des ramoneuses et ramoneurs ?

Non, mes apprenties et apprentis ont de belles perspectives. Le métier est plus intéressant que jamais et aussi très varié.

 

Les gens continuent-ils de vous voir comme un porte-bonheur ?

Oui, cette croyance est bien vivante ! Nous avons une image positive et ça nous plaît. On m’invite encore parfois à des mariages. Et je distribue toujours des pièces d’un centime aux apéros de Nouvel An.

 

En évitant des accidents, vous êtes bel et bien une sorte de porte-bonheur. Cela déteint-il sur vous ? Vous avez l’air plutôt content…

J’apprécie chaque jour mon métier de ramoneur. Oui, la valeur que nous donne le public va droit au cœur.


Walter Tanner a 46 ans et vit avec son épouse à Kreuzlingen, près du lac de Constance. Depuis quinze ans, il dirige une entreprise de ramonage qui compte plusieurs employé-e-s et apprenti-e-s. Elles et ils effectuent les travaux de ramonage classiques comme le nettoyage et le contrôle de chauffage à mazout, à gaz et à bois. Et nettoient aussi de plus en plus souvent des installations solaires et de ventilation dans des maisons Minergie. Walter Tanner est titulaire d’un diplôme fédéral de conseiller en énergie et en efficacité énergétique.

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