Si le commerce en ligne accable un peu partout les magasins traditionnels et favorise la monoculture de chaînes vestimentaires mondiales dans les centres-villes, il peut aussi donner une chance aux petits spécialistes. Tel est le cas pour Veit Stauffer, à la tête de l'un des derniers magasins de disques de Suisse, dans le 4e arrondissement de Zurich. La vente par correspondance représente entre un quart et un tiers de son chiffre d'affaires. Son ancien site web faisait pâle figure, comparé à ceux des pros de la Toile, mais il a lancé une nouvelle boutique en ligne début mai. Un financement participatif, organisé en automne 2016 par des amis de M. Stauffer, a permis de réunir les 20 000 francs nécessaires à l'investissement. «Avec cette modernisation, j'espère pouvoir fidéliser la clientèle à long terme», glisse ce franc-tireur de la niche musicale.
Un autre exemple illustre la possibilité de faire des affaires en ligne tout en offrant une valeur ajoutée sociale et écologique: Gebana SA a réalisé en 2016 un chiffre d'affaires de 6,4 millions de francs en vendant des aliments équitables et, pour la plupart, biologiques. Hormis une boutique mobile à Berne et une présence dans les rayons de quelques magasins, la vente de l'assortiment alimentaire passe par la Poste. «Après nous être contentés d'envoyer seulement notre catalogue imprimé, nous avons lancé notre boutique en ligne en 2005. Aujourd'hui, près de 60 pour cent des commandes passent par notre site», précise Sandra Dütschler, directrice du marketing. Le web est un important canal de vente, mais il sert également à communiquer avec la clientèle: «Dans la vente par correspondance, on ne rencontre pas la clientèle. Nous cherchons à y remédier, du moins en partie, avec les médias sociaux et avec notre plateforme d'accès au marché, laquelle propose des commandes participatives.»
Une autre force du web est la possibilité de diffuser des informations, reportages et galeries de photos sur les productrices et producteurs, qui vivent le plus souvent dans des pays d'Afrique ou d'Amérique du Sud. En plus d'un assortiment standard d'aliments secs, Gebana propose des produits frais de saison comme des pamplemousses de Corse, des mangues du Burkina Faso ou des oranges de Grèce : les clientes et clients passent commande avant la récolte, Gebana groupe les achats à l'échéance du délai, puis les cultivatrices et cultivateurs emballent les fruits fraîchement récoltés dans des cartons palettisables, utilisés en Suisse directement pour l'expédition. Comme le rappelle Mme Dütschler, «en renonçant aux intermédiaires, nous assurons aux paysannes et paysans des prix équitables, qui demeurent aussi attractifs pour la clientèle». Dans le cas des oranges, par exemple, les cultivatrices et cultivateurs ont pu vendre leur marchandise bio avec un supplément, pour la première fois depuis quinze ans, grâce à la commande en ligne et à l'envoi par colis postal.