Une année plus ou moins chocolatée

Rapide voyage en Amazonie péruvienne depuis une salle de réunion toute simple à Berne-Wankdorf: Christoph Inauen nous montre les photos de petites pro­ductrices et petits producteurs de cacao. Avec elles et eux, accompagné de son ami Eric Garnier, il a créé ­Choba Choba voilà cinq ans, alors que lui-même était âgé de trente-quatre ans. Sur les photos, on voit une partie des cent hectares de terrains qui appartiennent à ­l’entreprise ainsi que des fèves de cacao aux étapes de la fermentation, du séchage et du stockage. Ensuite, notre interlocuteur revient sur l’année qui s’achève, la meilleure et la pire dans la chronique de l’entreprise. Cet automne, en Suisse, Choba Choba a pu augmenter son capital social d’un million de francs en 24 heures grâce à une campagne étonnamment fructueuse dans son propre réseau. Et depuis peu, on trouve un petit ­assortiment Choba Choba chez Coop (voir tirage ci-dessous). Mais l’entreprise a également subi les contrecoups de la pandémie qui a frappé 2020. 

La jeune entreprise ne cherche pas les prix les plus bas et n’achète pas les fèves à gauche et à droite, comme il est d’usage dans son domaine d’activité: chez Choba Choba, les 35 cultivatrices et cultivateurs sont copro­priétaires de la société et fournissent en exclusivité la matière première essentielle au chocolat. Contrairement aux quelque six millions d’autres productrices et pro­ducteurs de cacao sur la planète, elles et ils participent à la détermination du prix, ce qui leur permet de travailler indépendamment des cours très bas sur le marché mondial. 
Comme le précise M. Inauen, la relation avec les ­cultivatrices et cultivateurs est étroite, «nous œuvrons main dans la main. Grâce à nos emplois précédents, Eric et moi avions appris à connaître les familles et leur réalité. Un jour, nos partenaires nous ont demandé si nous pouvions agir ensemble pour améliorer encore leurs conditions de vie. Voilà pourquoi nous avons quitté l’industrie et fondé Choba Choba. Alors que nous tra­vaillions déjà dans le commerce équitable, cela ne nous suffisait pas et nous avons voulu aller plus loin.» 

La pandémie de Covid a intensifié de façon inattendue les relations avec les productrices et producteurs de ­cacao. «Le Pérou a été temporairement le pays où le taux de mortalité lié au coronavirus était le plus élevé au monde», se souvient Christoph Inauen. Le virus s’est largement propagé dans la lointaine vallée d’Alto Huayabamba, pile au moment de la récolte. Choba ­Choba a distribué du matériel d’hygiène, des médicaments et même des bouteilles d’oxygène. Malgré ­cela, un cultivateur est décédé. «Je n’avais encore jamais vécu une situation avec un si fort sentiment d’impuissance, où il se passait des événements si graves», déplore l’entrepreneur. 

La situation s’est améliorée au Pérou et la récolte a pu avoir lieu, en dépit d’un contexte difficile. Et depuis peu, on trouve quatre tablettes Choba Choba différentes dans 260 filiales de Coop en Suisse. Il a fallu pour cela réduire de deux francs le prix à l’unité. Comment est-ce possible? Christoph Inauen tient à souligner que «la qualité et le montant payé pour le cacao restent in­changés. Nous avons pu abaisser le prix grâce à un plus gros volume de fabrication et d’emballage. Et nous avons grignoté notre marge.» Les partenaires qui distribuaient déjà le chocolat n’ont pas forcément apprécié la démarche, «mais nous avons voulu répondre à deux souhaits importants de notre clientèle: devenir moins chers et proposer notre chocolat là où les gens font souvent ses courses», explique M. Inauen. 
L’association Fonds d’innovation, créée par la BAS, soutient Choba Choba depuis ses débuts. Elle lui a ­accordé en 2016 un prêt de 100 000 francs, que la jeune entreprise a déjà remboursé en grande partie. Christoph Inauen est élogieux vis-à-vis du Fonds ­d’innovation: «Malgré une longue expérience dans notre domaine, les banques avaient toutes refusé nos demandes. Le Fonds d’innovation a accepté de prendre le risque. Il contribue à lancer des projets dont on ignore comment ils vont évoluer, mais qui promettent de grandes avancées sociales.»