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01.12.2022 par Katrin Wohlwend

Combien de planètes faut-il à notre bonheur?

Pour constituer son univers de placement, la BAS évalue des entreprises, mais aussi des pays. À cette fin, elle recourt notamment à l’indicateur de progrès Happy Planet Index (HPI). Il donne de notre monde un aperçu incomparable ... et parfois surprenant.


Article de la BAS
Article du thème Le bonheur
happyplanetindex.org/countries

Comment expliquer que le Costa Rica arrive premier d’un classement par pays, tandis que le Luxembourg se retrouve 152e sur 161 États? Pourquoi la carte du monde ci-dessus affiche-t-elle ainsi des couleurs intuitives vert  = bon, jaune = moyen, rouge = mauvais? 
Apparemment, on peut regarder le monde différemment et le juger selon d’autres critères que les indicateurs économiques classiques comme le produit intérieur brut (PIB). D’ailleurs, le politicien étasunien Robert Kennedy n’a-t-il pas affirmé en 1968 déjà que le PIB mesure tout, sauf ce qui rend la vie digne d’être vécue? Cet indicateur se moque aussi de savoir si la per­formance économique et la seule forme de prospérité par lui reconnue respectent les limites planétaires ou détruisent les conditions de vie des générations futures sur Terre. 

Un étiquetage pour le bien-être et le bonheur 
Voilà précisément les critères dont tient compte l’autre regard, celui qui met des couleurs au monde comme sur la carte ci-dessus. Il porte le nom optimiste de Happy Planet Index (HPI), ou «indice de planète heureuse». Cet indicateur alternatif de progrès a été élaboré en 2006 par le labo­ratoire d’idées britannique New Economics Foundation, en collaboration avec Friends of the Earth. Le HPI s’intéresse en particulier à deux choses qu’ignorent les indicateurs économiques conventionnels tels que le PIB. 
Premièrement, il intègre des aspects de prospérité au-delà des dimensions économiques. Il peut s’agir de l’espérance de vie ou du bien-être subjectif de la population. L’étendue des inégalités intéresse aussi le HPI: celles-ci touchent-elles seulement quelques personnes ou de larges pans de la société? Ces dimensions non économiques de la prospérité sont désignées par le HPI comme «l’idée d’une vie longue et jugée satisfaisante». 
Deuxièmement, l’espérance de vie heureuse ainsi déterminée est munie d’une «étiquette» relative à la durabilité, par rapport à laquelle le Happy Planet Index compare l’empreinte environnementale de chaque pays. C’est là d’une de ses spécificités, qui le distingue d’autres indices visant également à mesurer le bonheur, par exemple le World Happiness Report. Le HPI se concentre sur l’efficacité écologique avec laquelle tel ou tel pays se préoccupe du bien-être de sa po­pulation. L’exemple du Luxembourg montre bien l’écart que peut révéler un examen sous cette lumière: le World Happiness Index attribue la 6e place à ce pays, alors que le HPI le relègue parmi les vingt derniers du classement. La faute à l’empreinte écologique du Grand-Duché, l’une des plus grosses au monde. 

Le HPI et la BAS 
La prise en compte du coût écologique du bonheur rend le HPI intéressant aux yeux de la BAS et influence donc son évaluation des pays. Il faut savoir que son service ­d’analyse d’entreprises n’examine pas uniquement des sociétés pour les intégrer ou non à l’univers de placement de la Banque. Elle passe aussi des pays sous la loupe, en rapport avec les investissements dans des titres qu’ils émettent. Louise Conze, analyste d’entreprises à la BAS, précise: «Pour cette évaluation, nous appliquons entre autres nos six critères d’exclusion, définis dans les Principes de la politique de placement et de crédit, qui concernent tous les secteurs d’activité de la Banque. Cela peut valoir à un pays d’être exclu d’office pour ses agissements antidémocratiques ou contraires aux droits politiques, pour sa pratique de la peine de mort ou de la torture, pour ses violations systématiques des droits de la personne, voire sa participation à des actes de guerre.» 
La BAS s’appuie également sur d’autres informations provenant d’un fournisseur externe de données. Cela lui permet par exemple de tenir compte des traités et accords internationaux reconnus. Outre ses critères d’exclusion, la BAS se fonde sur neuf autres critères positifs ou négatifs, dont le HPI. Ces critères d’évaluation sont intégrés à l’analyse avec une certaine pondération et aboutissent à une vue d’ensemble plus ou moins positive. 
Ainsi que le relève Louise Conze, «pour la BAS, le HPI sert uniquement à compléter d’autres critères, car il offre un regard focalisé et simplifié sur le monde, mais ne tient pas compte d’aspects importants comme l’accès à la formation ou la situation en matière de droits de la personne. Malgré cela, il dessine parfois une carte alternative révélatrice, qui nous montre l’ampleur des coûts écologiques pour les années de vie heureuses d’une population en particulier.» 
Informations supplémentaires 
happyplanetindex.org
bas.ch/fr/exclure
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