L’économie à la demande (ou «à la tâche», «de plateforme», «de partage») consiste à fournir des prestations par l’intermédiaire de plateformes numériques. Propulsée depuis la Silicon Valley, elle s’est étendue à toute la planète en une dizaine d’années. La numérisation de la vie quotidienne et le chômage consécutif à la crise financière de 2008/2009 ont favorisé sa marche triomphale. Certaines des plus grandes entreprises de l’économie à la tâche, comme Airbnb et Uber, ont vu le jour pendant la crise et connu depuis une croissance exponentielle. Des plateformes proposent leurs services en ligne dans de nombreux domaines: outre la livraison, dopée par les mesures de confinement, on peut citer le traitement de texte, la programmation, l’assistance technique, les nettoyages ou les déménagements.
Impossible déterminer avec précision le nombre actuel de travailleuses et travailleurs à la tâche. Les estimations pour les États-Unis vont au-delà de 30 pour cent, mais la fiabilité des statistiques est faible, même en Suisse. Cela peut s’expliquer par l’absence d’une définition exacte de l’économie à la demande. Au sens strict, celle-ci implique que les plateformes n’offrent pas d’emplois à long terme, mais seulement des missions de courte durée – d’où le nom de «gig economy», en anglais, qui fait référence aux contrats décrochés au coup par coup par les musicien-ne-s. La rétribution se fait à la tâche et pas sur une base horaire. Pas de mandat, pas d’argent. Et que l’on travaille ou non, il faudra se passer de prestations sociales (congés payés, assurance chômage ou prévoyance retraite). En outre, les travailleuses et travailleurs doivent se charger des coûts de leur équipement (voiture, vélo électrique ou ordinateur portable).
Cette érosion des normes de travail est possible parce que les exploitants de plateformes de type Uber et autres ne se présentent pas comme des employeurs, mais comme des courtiers en main-d’œuvre. Dès lors, ils considèrent les travailleuses et travailleurs non pas comme des employé-e-s, mais comme des indépendant-e-s devant assumer seul-e-s le risque entrepreneurial.
La résistance à cette précarisation des rapports de travail augmente dans de nombreux pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni et aussi la Suisse.
Genève a été le premier canton à obliger Uber à reconnaître ses chauffeuses et chauffeurs ainsi que ses livreuses et livreurs comme des employé-e-s, ce contre quoi l’entreprise a fait recours. Dans ce numéro de moneta, vous découvrirez
la répercussion de ce conflit pour notre pays, l’importance qu’y revêt l’économie à la demande, les secteurs d’activité qu’elle touche et les solutions qui s’esquissent dans le droit du travail.
Katharina Wehrli,rédactrice en cheffe